starless night (katarina)

Assis à la fenêtre de son appartement, James tenait dans une main la dernière lettre reçue de la part d’Abigaëlle, de l’autre sa cigarette se consumait à petit feu. Il aspira une nouvelle bouffée, se satisfaisant de ce tabac bon marché. Comme les autres arrivées avant, le brun ne l’avait pas ouverte. Il n’était pas sûr de vouloir connaître son contenu. Une année de correspondance en attente, des lettres qui n’ont jamais eu de réponse. D’ailleurs, ces lettres ont toujours été envoyées chez ses parents, James n’avait jamais donné sa nouvelle adresse à son amie d’enfance. La mère de l’Anglais n’arrêtait pas de lui dire de répondre, que c’était la moindre des choses. Oui ça l’était mais finalement à quoi bon ? James savait qu’il avait déjà perdu la partie, pourquoi s’accrocher à ce qu’il ne pourrait plus avoir. L’écriture fine et élégante de son amie. Une fleur parmi les détritus. Voilà ce qu’Abigaëlle avait toujours été. Il ne pouvait égoïstement pas lui faire quitter son nouveau monde. Surtout quand il balayait du regard son appartement miteux de Whitechapel. D’ailleurs le temps filait vite ce soir, il fallait qu’il rejoigne les quais. Il écrasa sa cigarette dans son cendrier et rangea la lettre dans une boîte en fer, avec les autres. Un jour, il les lirait. Mais pas aujourd’hui..

James attrapa sa veste pour parfaire son uniforme d’officier portuaire et quitta l’appartement. Londres le soir, c’était un autre charme. L’agitation de la journée laissait place au calme de la nuit. Les bâtisses allumaient leurs lumières, bordels et théâtres. Une toute autre vie s'éveillait sous le ciel étoilé. Mais ce n’était pas lui, l’anglais avait autre chose à faire. Il traversa une bonne partie de Londres, rejoignant les bords de la Tamise. Sa ronde pouvait commencer. Travailler de nuit était bien plus dur mais James préférait ça. La tranquillité de ces heures sombres. Les quais étaient tous quasiment déserts, les bateaux essayaient au maximum d’arriver avant la nuit, de faire les chargements pour repartir tranquillement le lendemain matin. L’officier passait le long des marchandises, vérifier rapidement qu’aucune caisse ne soit ouverte ou autre chose de suspect. La tournée allait être calme, il le sentait. Il faisait encore frais, la chaleur du mois de mai n’arrivait pas à s’installer dans la capitale. Alors que tout était calme, James crut voir une silhouette au loin, une silhouette qui n’avait rien à faire là “Hé !” cria t’il. Il se précipita pour rejoindre la personne. Arrivée à sa hauteur, il fut surpris de voir une jeune femme, seule près de la Tamise “Que faites vous ici à cette heure? Les quais peuvent être dangeureux miss.”

Assise à la terrasse d'une pâtisserie, la grande duchesse n'écoutait ni n'entendait ce que sa chaperonne lui disait. Cette dernière n'aimait point l'aventure et ne cessait de jacasser sur les dangers de l'inconnu dès que quelques expéditions devaient se faire. Et à son air de vieille chouette dont les lèvres si serrés par le d'égouts des étrangers donnaient l'impression de former un bec suffisait à Katarina pour ne point en savoir plus sur ses propos. Certains passants posaient un regard curieux sur ces deux femmes qui, malgré la fraîcheur d'une soirée de printemps, préférait déguster viennoiseries et thés à l'extérieur. Qu'auraient ils pensés s'ils avaient su qu'avec pareille température, les jeunes russes aimaient se baigner ? L'homme sait s'adapter à son environnement...et notre amie aurait accepté de faire dégustation d'entre mets anglais si la clientèle n'avait guère été aussi chargé. D'autant qu'elle savait qu'on la reconnaîtrait malgré son manque de couronne et de bijoux des plus voyants. Elle avait aperçue à travers la vitrine certaines têtes présentées à la cour d'Angleterre et ne voulait en aucun cas les déranger et être aussi ennuyée par des jeunes arrivistes désirant son amitié.

Une jeune femme, issue de la gentry sortie avec ses compagnes lorsque le ciel commença à s'obscurcir. Elles saluerent la duchesse avant de partir tout en lui lançant de bref regard remplies de curiosité. Katarina les fixa d'un regard froid plein de sévérité , jusqu'à ce que le rouge leurs monte aux joues et qu'elles stoppent leur petit jeu. Pauvres sottes ! N'avaient elles point passé des heures à apprendre la politesse et cette fameuse étiquette ? Quand les demoiselles furent assez loin pour ne plus la voir, notre rousse se leva et sa chaperonne, toujours en plein monologue en eu l'air contrarié ce qui ne fit point confondre la Romanov en excuses. N'était elle pas déjà assez tolérante de lui permettre d'autant radoter ? Elle aurait pu tant de fois changer de gouvernante mais sa gratitude était telle que se séparer de la quinquagénaire lui paraissait inconcevable.

Katarina Romanov se leva sans faire le moindre bruit. Aucun racle ment de chaise ou de tasses que l'on décale. Et ses pas s'en furent vers ce qu'elle pensait être sa demeure. De toute façon, sa tutrice la corrigerait. Un long manteau, aux broderies slaves lui permettait de ne point sentir la légère morsure du vent et couvrait une robe aussi verte que ses pupilles. Elle aurait aimé être en tenue d'hommes comme elle le faisait parfois chez elle et arborer à sa ceinture un sabre pour honorer ses ancêtres scythes. Mais ici les règles étaient différentes. Même dans sa maison où la plupart du personnel était engagé à Londres et se referaient donc à d'autres codes. Elle allait se retourner pour en parler à Gargana quand elle remarqua que celle-ci avait disparu. Mince....dans ses pensées, elle avait dû l'abandonner au salon de thé. Mieux valait y retourner et pensant retourner sur ses pas, elle arriva près des quais. L'odeur n'avait rien à voir avec les parfums des nobles dames. Il y'avait toutefois pour Katarina un peu d'exotisme dans les remous du fleuve et ses travailleurs qui quittaient un à un leur poste. Sans réfléchir, elle descendit pour s'approcher de l'eau après avoir ôter discrètement ses bagues d'une valeur inestimable dans ses poches. La jeune femme se demandait comment poissons et autres habitants marins pouvaient vivre dans ce milieu aquatique quand on l'a héla. Sans prendre la peine de détourner le regard, elle répondit.

"Votre eau est aussi répugnante que le bain d'un français." affirma telle tout en se levant pour, cette fois-ci faire face à son interlocuteur. Elle était grande, pas gigantesque mais grande et n'avait rien de ses femmes menues sans courbes et délicates. Sûrement était ce une des raisons pour laquelle aucun autres princes ne l'avaient desirés depuis la mort de son fiancé .   "Le danger est partout, monsieur. Vous pourriez glisser et rejoindre le paradis à cause d'un mauvais coup" . Allait il se présenter ? Il n'avait rien de menaçant mais la jeune femme restait sur ses gardes.